(соавтор Magali Plattet)
Le projet intitulé «Vacances Européennes» a vu le jour en 2006 grâce aux actions de l'Association Internationale Esperance présidée alors par l’enseignante Raïssa Choulakova. Ce projet compte parmi les plus importants qui sont en place. Mentionnons également les autres projets tels que L’Enfance Sans Frontière, La Famille et L’Enfance ou Le Français avec Plaisir.
Son objectif a été défini ainsi : au sein d’une atmosphère qui contribue à leur développement intellectuel et créatif, il s’agit d’offrir aux élèves-participants d’abord la possibilité de concilier détente et cours de français basés sur leurs centres d’intérêts, ensuite l’opportunité de communiquer en français et d’ainsi perfectionner leur connaissance de la langue et enfin un nouveau regard sur la langue apprise pour susciter un amour de cette langue.
Concrètement, dans le cadre de la mise en place d’une section de français, ce projet propose – comme sa terminologie aide à le supposer – des stages linguistiques se déroulant, à deux reprises, sur les périodes de vacances scolaires. Le programme intensif de dix jours est renouvelé sur trois ou quatre sessions se succédant. Ces stages accueillent une trentaine d’apprenants jeune public, aux profils plutôt hétérogènes, répartis selon leur âge et leur niveau : de 6 à 16 ans : débutants complets, faux-débutants, élémentaires et intermédiaires. (Ces apprenants sont, en période scolaire, inscrits dans les établissements qui participent au projet, parmi lesquels il faut citer les écoles №351, №485, №312, №26, №571, №150, №406, №282 et №112.) L’équipe d’encadrement est composée de deux ou trois animateurs russes et d’un ou deux intervenants natifs français.
Nous souhaitons ainsi partager notre conception, tout comme notre expérience, de ce programme d’activités, tout en répondant à la problématique suivante : de quelle manière ce programme parvient-il à susciter l’enthousiasme des participants? Notre stratégie pédagogique est régie par deux principes fondamentaux : faire en sorte que les concepts mêmes de cours et de classe puissent être délivrés des propriétés qui lui sont traditionnellement rattachées (première partie) et que l’atmosphère toute entière du camp soit baignée par la langue et la culture française (seconde partie).
L’accent a été mis en premier lieu sur l’intitulé-même du projet «Vacances Européennes.» Dans ce but, notre démarche est de tout mettre en œuvre pour que le contenu des cours, leur cadre, leur déroulement et leur matériel pédagogique puissent susciter, chez les apprenants, une impression de liberté dans leur apprentissage de la langue française.
D’amblée l’accent est porté sur l’acquisition de la compétence généralement la plus difficile à maîtriser, à savoir la communication. Pour se faire, progressions pédagogiques respectives de chaque groupe de niveau (répartis en amont) et activités sont étroitement liées par le programme mis en place : l’intégralité du déroulement du séjour tente de tirer parti des événements culturels qui se déroulent en France dans le même temps, en orientant les contenus pédagogiques. Les «élèves» que nous qualifieront désormais de «participants» par souci de cohérence avec la forme-même du projet, sont ainsi invités à célébrer divers événements du calendrier français. Si la perspective de «faire la fête» s’immisce communément dans les esprits des jeunes participants, l’objectif est de la faire «en français» et d’apprendre de manière ludique. Guidés dans leur préparation, les participants mettent eux-mêmes en place des activités pédagogiques diverses à soumettre à leur groupe, voire à une autre groupe. Citons l’élaboration de textes à trous, les questions de compréhension ouvertes, la création de questionnaires à choix multiples, la mise en place d’exercices de répétitions orales, de situation de jeux de rôles ou encore de divers concours destinés à être soumis ou présentés à leurs camarades. Aussi bien dans leur préparation que dans leur réalisation (phases au cours desquelles une certaine méthodologie organisationnelle est peu à peu acquise), ces travaux collaboratifs favorisent une interaction entre les participants issus de tout groupe de niveau. La prise de contrôle, qui fonctionne comme une forme de responsabilisation et qui nécessairement renforcée par une dimension interdisciplinaire devient source de motivation. Cette implication dynamique de leur part, cet investissement qui décuple leur attention, présente, de surcroit, l’avantage de contribuer à briser l’image traditionnelle et scolaire de l’enseignant qui propose son propre matériel à l’élève: ce dernier est animé par l’idée qu’il est utile au bon déroulement du cours. Entre autres activités, par exemple liées à la fête de la musique, certains participants enseignent eux-mêmes une chanson déjà maitrisée (sous l’égide d’un intervenant natif veillant à la transmission d’une prononciation correcte), d’autres sont invités à composer des paroles sur la base d’une mélodie connue de tous, d’autres encore créent de mini «dialogues chantés», d’autres enfin proposent leur propre concert ou représentation, dont l’interprétation est rythmée par une chanson française choisie par leurs soins. Ceux qui ne souhaitent pas prendre part à une quelconque forme de spectacle, ont l’occasion de réaliser les affiches publicitaires sur lesquelles figure le programme de l’événement. Nous retiendrons encore les horloges de papier destinées à enseigner l’heure aux débutants, les réalisations iconographiques relatives au lexique par thématique (métiers, objets de la vie quotidienne, photos de famille, destinées à différents jeux dont ils mettent eux-mêmes en place les règles). Chacun des jeux utilisés et créés au cours d’activités préalables, bien au-delà d’une simple fonction récréative, revêt alors une véritable dimension didactique et c’est bien le caractère authentique des «supports» exécutés manuellement ainsi que tout le projet qui doit être mené à bien, qui donne d’abord naissance à un sentiment avéré d’utilité au projet et qui, par conséquent, permet de susciter un investissement le plus large possible de la part de l’ensemble des participants.
Dans la continuité de ce double objectif, le lieu du déroulement des activités réservées à la conversation française est sujet à de multiples variations dictées tantôt par les besoins du thème étudié, tantôt par le choix laissé délibérément aux participants. Ainsi, l’acquisition du vocabulaire lié au domaine animalier se réalise au sein du zoo du camp, celui des couleurs, sur un simple tapis autour d’un jeu de cartes ou de vêtements exposés appartenant aux participants. De même, des groupes de discussions, d’échanges d’expériences personnelles, pour les non-débutants, prennent place sous un chapiteau des jardins du camp de la Ville Verte, afin de procurer une impression d’isolement qui va de paire avec l’intimité recherchée. (C’est au cœur de Zelioni Gorod, à 85 kilomètres de Saint-Pétersbourg, que s’organise le camp linguistique.) Qu’il s’agisse alors d’un couloir, d’un champ, d’un zoo, d’une forêt, d’un fauteuil-canapé ou encore d’une table, les moindres recoins du lieu sont exploités. Voici le type d’activités qui pouvaient être mené dans ce zoo: il était demandé aux participants de dire s’ils possédaient un animal à la maison et s’ils pouvaient le décrire. La prise de parole donnait lieu à différents récits relatifs aux circonstances de l’acquisition de l’animal, à l’évocation des différents comportements de l’animal, à l’explication de la manière et des raisons qui les avaient poussés à leur choisir un nom ou un surnom. Tout un travail était ensuite consacré aux onomatopées qui servaient de base pour mieux inviter les participants à créer toutes sortes de surnoms les intégrant dont ils baptiseraient ensuite les animaux qui composaient le zoo. Ces surnoms (le lapin-duvette, le renard-rusette, le corbeau-noirette…), rattachés à une expérience concrète, favorisaient largement la mémorisation du vocabulaire. Au besoin, une salle de classe est aussi disponible et là encore ce sont les participants qui en choisissent l’agencement et l’orientation. Afin d’amenuiser, autant que possible, le caractère rébarbatif de l’apprentissage inspiré naturellement aux participants censés être en vacances le recours au support papier est minimisé. De fait, le matériel pédagogique s’improvise à partir des composants que recèle le lieu même où est hébergé le camp linguistique ou à partir des effets personnels des participants. Par exemple, les vêtements permettent d’acquérir le vocabulaire idoine, mais aussi travailler sur celui des couleurs, la possession voire improviser des jeux de rôles sur la vente et l’achat.
Dans le même temps, le concept ludique du «cours»permet à l’intervenant d’éviter soigneusement le traditionnel vis-à-vis: tous les moyens sont bons pour que ce dernier s’efface au profit des élèves. Ces derniers gagnent instinctivement la confiance nécessaire à l’exercice difficile qu’est la prise de parole en public et à l’acquisition (laborieuse) de la compétence que représente la «production orale». Lorsque l’interaction se fait plus rare (ce qui, de manière assez logique, s’avère plus fréquent chez le public de niveau débutant), c’est l’organisation de concours qui est alors plus fréquemment préconisée et la répartition des prix est soigneusement laissée au soin de quelques participants sélectionnés parmi un groupe différent, qui s’improvisent, dès lors, membres d’un jury. La mise en place de ce type d’activités s’avère une source de motivation efficace.
Il semble d’ailleurs très important de préciser que c’est le principe-même d’évaluation que le concept des «Vacances Européennes» recherche volontairement – et de manière absolue – à bannir. En effet, dans l’objectif d’éviter de susciter une éventuelle démotivation due à un hypothétique échec, le principe retenu tient à présenter le français comme une langue dépourvue de difficultés. C’est, au contraire, un sentiment de réussite lié à celui de progrès qui se profile dans les esprits des participants, appuyant sur l’encouragement plutôt que la systématique correction: Sont ainsi parfois intentionnellement laissées de côté, les erreurs de genre pour les réalités inanimées. Il n’y a donc ni examen ni devoirs : il va de soi que les intervenants prennent soin de faire porter l’accent sur l’encouragement de celui qui apprend plutôt que sur une systématique correction des erreurs mineures qui n’entravent pas la communication. Un système de répétitions tentant de se détacher le plus possible de la forme traditionnelle du face-à-face, s’orchestre, au contraire, de manière spontanée à différents moments de la journée et, par-dessus-tout, dans différents cadres et contextes. Concrètement, même lorsqu’ils sont, par exemple, en train de construire une cabane dans la forêt, de lacer leurs chaussures, de ranger leur chambre, de se placer dans un rang ou encore de se laver les mains ! Il est primordial que les participants puissent, à l’issu du stage, se sentir capables de témoigner de leurs nouvelles acquisitions en dehors du cadre stricte du «cours».
Une fois l’idée d’encadrement trop scolaire évacuée, il s’agit de susciter, chez les participants, une impression de séjourner en France. En dehors d’une programmation de «cours» en matinée, l’acquisition d’une certaine aisance à manier le français passe par la mise en place, d’une part, d’une stratosphère francisée et, d’autre part, par une équipe à 100% francophone.
Les participants évoluent dans une ambiance visuelle et sonore que le projet souhaite la plus francisée possible. La création d’une ambiance visuelle passe nécessairement par un certains nombre d’éléments de décoration. Citons la réalisation d’affiches thématiques, la traduction des menus de la cantine et du règlement intérieur, la francisation des prénoms des participants ou encore la présence du drapeau français à l’entrée de la Datcha. Parmi les plus représentatifs, retenons d’abord les larges affiches réalisées par les participants sur lesquelles est inscrite la devise correspondant à la thématique choisie par la section de français pour se démarquer des autres groupes linguistiques des «Vacances Européennes». Notons ensuite la traduction des menus de la cantine. Mentionnons aussi les règles de savoir-vivre inscrites en français sur des pancartes suspendues dans les couloirs, sanitaires, dortoirs. Evoquons encore le drapeau français qui trône à côté du drapeau russe devant l’entrée de la Datcha.Citons enfin les étiquettes surmontant les boîtes aux lettres improvisées sur lesquelles apparaissent des prénoms français qui, pour la plupart, ne sont autres que des prénoms russes que les participants ont bien voulu franciser. (C’est ainsi qu’Anna, Maria/Macha, Pacha deviennent Anne, Marie, Paul…) Les actions de la vie quotidienne s’improvisant au sein de la Datcha sont également rythmées par la diffusion de chansons dont les paroles sont évidemment en français, en essayant de varier au mieux selon le goût des participants. Quels que soient les influences, l’âge, l’évolution de chacun, tout le monde – enfants comme adolescents – y trouve sa part de réjouissance et est mené, à un moment ou à un autre – généralement à la suite d’une étape où ils fredonnent leur air favori sans en saisir nécessairement le sens – à tenter de retranscrire les paroles, à défaut, de les prononcer par mimétisme («en yaourt») avant de finalement s’enquérir de leur signification. Dans ce cadre, la forte sollicitation de la curiosité des participants prend indubitablement part à leur motivation. Cette «bibliothèque musicale»est complétée par la participation active des intervenants eux-mêmes. Pour satisfaire à cette atmosphère que nous souhaitons la plus imprégnée qu’il soit de culture française, l’utilisation de la langue en cours d’acquisition ne se heurte pas aux portes des dortoirs : sans que l’entreprise ne devienne pour autant systématique une intervenante de langue maternelle française vient proposer, pour endormir les plus jeunes, une lecture de contes illustrés ou feuilleter avec les moins jeunes des magazines de leur âge. Le recours à des supports authentiques se rapprochant de leurs centres d’intérêt et préoccupations se dote ainsi d’un caractère signifiant qui participe nettement à leur motivation (ces magasines sont d’autant plus prisés par les apprenants qu’ils sont directement rapportés de France.)
L’équipe qui encadre les participants est entièrement francophone. Elle se compose d’animateurs et d’animatrices qui sont tous, en dehors du temps qu’ils consacrent à ce projet, professeurs de français dans le secondaire, à défaut, étudiants en langue et littérature française. Ils sont secondés par un/une ou deux intervenant(e)s (selon la session – il arrive qu’en hiver, il n’y ait pas d’intervenant français permanent, mais des visiteurs occasionnels) de langue maternelle française, professeurs de français langue étrangère (FLE), à défaut étudiant(e)s-stagiaires en FLE. Dans un premier temps, la présence d’intervenants français natifs (et d’autant plus lorsqu’ils ne sont pas russophones) implique et, par conséquent, incite à un échange linguistique et socioculturel permanent en langue française. Cette pratique favorise la production orale. Dans un deuxième temps, ce sont les échanges entre intervenants français et animatrices francophones russes qui revêtent une véritable fonction dans le cadre du développement de la compétence liée à la compréhension orale. Ces échanges sont intentionnellement multipliés en présence des participants. Qu’il s’agisse d’abord du choix du contenu, du lexique retenu ou de la structure des paroles échangées, qu’il s’agisse encore du rythme légèrement modéré ou de la prononciation légèrement appuyée de ces échanges – et, en ce sens, nous procédons là, à une certaine didactisation, puisque nous essayons de tenir-compte des capacités linguistiques des participants – tout est mis en œuvre pour que les participants puissent non seulement accéder à la conversation qui se déroule en leur présence, mais également avoir le désir d’intervenir dans celle-ci. Ainsi, partout autour d’eux, ces derniers entendent parler français et tout se passe comme s’ils étaient en France. Ils ont également la vertu de convaincre ces auditeurs que constituent les participants, de leur capacité à saisir le contenu de conversations (échangées, donc en leur présence), en langue française, mais aussi entre adultes. C’est aussi bien de manière active que de manière passive, qu’ils sont confrontés à la langue qu’ils apprennent et cette présence francophone leur fait bénéficier de l’avantage inestimable de toujours disposer de quelqu’un à portée pour répondre directement aux très naturels «comment on dit… ? ». Au-delà de la mission dévolue aux intervenants, le séjour que viennent passer des élèves français apprenant le russe auprès des participants russes apprenant le français, et les relations qui se nouent entre les actants des deux cultures de la même génération, joue un rôle capital.
Somme toute, à défaut de disposer de ressources pédagogiques matérielles élaborées par les professionnels de l’enseignement du FLE, le projet de la section de français des «Vacances Européennes» tente de recréer l’immersion à travers des activités et un cadre diversifiés. Cette immersion passe par la naissance d’une ambiance francophone et la conservation nécessaire d’un état d’esprit lié au divertissement. Le but de notre projet est de susciter une motivation toute neuve envers l’apprentissage de la langue française. Notre moyen est de créer une véritable implication des participants, depuis le choix des contenus qui leur est délibérément laissé, jusqu’à la préparation des supports utilisés en cours. Quatre années après l’un des camps qui s’est déroulé en 2007, quelques participants continuent de correspondre en français par courrier électronique avec certains des intervenants : ils écrivent – nous les citons – qu’ils n’ont «jamais perdu le goût de cette langue qui est née en eux pendant le camp».
Annexes: quelques témoins photographiques.
- Рисунок 1: emblème et nom d’équipe choisis par les participants («Un pas en avant».)
- Рисунок 2: emblème et nom d’équipe («Un monde parfait»). Les participants ont certainement été influencés par la chanson (très en vogue à l’époque) du même titre : «C'est les vacances»interprétée par Ilona Mitrecey. Extrait de l'album Un Monde Parfait , sorti en 2005.
- Рисунок 3: drapeau de distinction de la section de français.
- Рисунок 4: décorations pour boîtes aux lettres sous lesquelles sont inscrits les prénoms francisés.
- Рисунок 5: atelier de confection des drapeaux.
- Рисунок 6: création de supports pédagogiques (guide touristique de la ville de Saint-Pétersbourg.)
- Рисунок 7: création de supports pédagogiques (illustrations destinées aux débutants.)
- Рисунок 8: création de supports pédagogiques (textes à trous.)
- Рисунок 9: concours orchestré par les participants de niveau intermédiaire.
- Рисунок 10, 11, 12: salle de classe improvisée pour un cours et sur demande des participants.
- Рисунок 13: session de participants dans une des chambres.
- Рисунок 14: session de participants devant la maison.
- Рисунок 15, 16: exemples de spectacles créés par les participants.
- Рисунок 17: activités avec une animatrice française.
- Рисунок 18: activités avec une animatrice russe.